Les hommes en robe : entre scandales et mode non genrée
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Sa parution en décembre 2020 avait fait l’effet d’une bombe dans le milieu de la mode et de l’édition. Apparaissant vêtu d’une robe signée Gucci, le chanteur Harry Style avait tenu la tête d’affiche des kiosques en faisant la couverture du Vogue US. Un événement qui avait remué les moeurs et lancé plus d’un débat, et où les plus conservateurs criant au scandale avaient frôlés l’infarctus… Deux ans après, qu’en est-il de la place de la mode non genrée ?
L’évolution des genres dans la mode
L’Histoire en général est passionnante, mais celle de la mode l’est encore plus. L’évolution des styles, des coupes, des matériaux et couleurs, vient en dire beaucoup sur une société et ses individus. Suivre ses périodes nous permet notamment de voir comment les moeurs ont évolué au fil des siècles, ou devrions nous plutôt dire, comment ils ont digressés…
Car en effet, alors qu’en 2022 un homme portant du maquillage a 50 % de chance de se faire insulter gratuitement, à l’époque de la cours de Louis XIV, les hommes se poudraient les joues dans la plus grande banalité, portaient des perruques, talons hauts et tenues grandioses, pleines de couleurs, motifs et étaient admirés pour leur élégance. Autant dire que Bilal Hassani aurait pu faire de l’ombre au roi avec ses perruques plus sublimes les unes que les autres !
Et oui, a des époques comme la Renaissance, les tenues étaient relativement similaires chez les hommes et les femmes. Ce n’est que plus tard, au moment de la révolution industrielle que l’on a commencé à observer un changement dans l’approche de la mode masculine. Un souhait de sobriété s’est fait sentir, avec ainsi le costume trois pièces qui s’imposait comme nouvelle idée de la masculinité. C’est ainsi que nous avons vu se créer deux gardes robe distinctives pour les hommes et les femmes, et le début d’un gap.
Femme en pantalon, femme en prison ?
Au fil des années, le fossé entre ce que les femmes et les hommes « devaient porter », afin d’être aux normes dans la société, s’est de plus en plus creusé. Et une discrimination et séparation des genres ont été instaurées. Les femmes n’avaient ainsi que pour choix les rayons jupes et robes, tandis que les hommes passaient d’un costume à un autre.
Le pantalon était hors d’accès aux femmes, qui pouvaient même se faire arrêter si elles en portaient jusque dans les années 50, et également, se faire refuser l’entrée de restaurants. Car vous comprenez, en portant des pantalons, elles se prenaient pour des hommes, Ô scandale…
A titre d’exemple, bien qu’autorisé depuis les années 70 dans les institutions fédérales américaines, ce n’est qu’en 1993 que les femmes ont pu venir vêtu de pantalon au sénat.
L’approche non genrée de la mode, mais tout de même féminisée
Popularisé par des figures hollywoodiennes telles que Marlène Dietrich, les costumes et pantalons ont su se faire une place dans les dressings des femmes, avec une approche non genrée de la tenue. Et ce, notamment grâce aux collections de certains créateurs.
Nous avons ainsi assisté à la popularisation du costume dans un premier temps chez Chanel. Cependant, en gardant la jupe conforme à l’époque ainsi que des coupes très féminines. Diana a notamment été une emblème dans le port du tailleur, synonyme d’élégance. Ce n’est qu’en 1966 qu’Yves Saint Laurent a marqué les esprits en sortant une collection de smokings pour femme, venant souffler une nouvelle ère sur la mode féminine !
Et ce revirement des codes nous l’observons actuellement dans le dressing masculin et cela provoque bien des embruns.
La mode non genrée en 2022
Des hommes portant du vernis à ongles ? Mais quel effroi ! Voici un résumé des mentalités…
Nous observons depuis quelques années, le même schéma dans les vestiaires masculins, qui acquièrent des pièces jugées « féminines » avec pour souhait une approche de la mode non genrée. Que ce soit par touches, peu à peu via des bagues, bracelets, colliers, vernis… Ou via pièces plus fortes, comme des robes, talons, ou encore la pièce tendance de 2022, le crop top.
Le maquillage a également su se démocratiser pour tendre vers la beauté non genrée. Notamment avec des chaînes YouTube beauté, animées par des mecs. Egalement, dans la pop culture, des séries comme Sex éducation sont également venues mettre en avant des personnages masculins se maquillant et portant des pièces « appartenant au vestiaire féminin ». Mais également, ont permis de souligner les obstacles sociétaux auxquels ils font face.
Les esprits fermés face à la mode non genrée ?
Et oui, être un homme et porter une robe ou du make-up semble chambouler plus d’un esprit en 2022…
Bien que des figures tel que Mick Jagger, David Bowie, Freddie Mercury, ou encore Elton John, portent des tenues hors des « normes »… Dès que l’on sort du « costume de scène », et que les jupes défilent sur les jambes masculines dans les rues, l’opinion public en est outrée. Les flots d’insultes virevoltent et des étiquettes sont collées à tout va. Nous ressentons un retour dans le passé, quand les femmes venaient couvrir les leurs de pantalons.
Nous observons cependant, peu à peu, l’ouverture des esprits (bien que très lentement), permettant ainsi aux hommes de se sentir plus à l’aise à porter tous types de pièces, et d’assumer leur volonté de mode non genrée.
Certaines figures publiques, viennent mettre en avant des looks jugés controversés par une grande part de la société, afin de les démocratiser. Et ce, autant dans la vie quotidienne que lors d’événements médiatiques. A l’image de Jonhatan Van Ness, défilant mieux que personne en talon, Jared Leto, Romain Costa, ou encore Billy Porter lors des Oscars.
Nous remarquons également chez les couturiers de nombreuses pièces, « jugées féminines », prendre part de leurs défilés homme, comme j’ai Jean-Paul Gauthier, ou Jacquemus. Entre robes, crop tops, body, jupes, voile de marié…
Les collections unisex : nouveau positionnement de la mode non genrée
Cette volonté d’arrêter de stigmatiser des pièces comme appartenant à un genre, s’illustre aussi dans les collections unisexe. Proposées de plus en plus, elles sont souvent pensées par des marques aux valeurs éco-responsables, afin de promouvoir une mode intemporelle avec des pièces pouvant nous suivre sur des années.
Ces collections « cross dressing » se déclinent en une vaste gamme de taille, afin de pouvoir autant convenir aux silhouettes féminines que masculines.
Nous observons aussi l’apparition de la skincare non genrée, ainsi que du make up. A l’image de la marque d’Harry Style, Pleasing.
Harry Style, le roi de la mode non genrée
Et en parlant d’Harry Style, comment écrire un article sur la mode non genrée et les bouleversements des codes sans parler parler du la nouvelle icône mode ?
Petit prince de la mode
Connu dans un premier temps par sa place dans l’industrie de la musique, puis au grand écran, c’est désormais dans le monde de la mode que le chanteur s’est fait une place depuis quelques années. Passionné de mode, il a le profil aventureux en style. Costumes à paillettes, cyclistes, combinaisons moulantes, robes, bijoux, vernis… Il joue avec les pièces et occupe une place de véritable icône, avec une palette de tenues éclectiques, et lui valant une vraie reconnaissance pour son positionnement sur la mode non genrée, en lui offrant de la visibilité.
La une qui fait parler d’elle
Le positionnement et influence d’Harry Style dans le monde de la mode l’a même propulsé en couverture du Vogue usa. Un événement majeur, qui a suscité de nombreuses réactions. D’une part, car en 127 ans d’existence, c’est la première fois que le magazine met en avant un homme seul en couverture. Et l’autre sujet au milieu des discussions : la robe à la coupe « très féminine » que portait Harry sur cette une.
Ce choix vestimentaire a divisé l’opinion publique, tandis que certains ont trouvé cela normal, d’autres ont versé un lot de critiques avec leur vision et conception formatée de la masculinité et de la virilité. Rappelons que quelques siècles en amont, un homme en tenue extravagante était à la pointe de la mode…
La liberté de chacun a encore bien des batailles à mener face à des conceptions très binaires de la mode.
Ha Ha Ha, la collection signée Harry Style x Gucci
Nouvelle consécration pour le musicien, avec la sortie d’une collection co-crée avec la maison Gucci, nommée Ha ha ha.
Après plusieurs apparitions portant les pièces de la maison dans diverses campagnes, c’est désormais à la naissance même des pièces qu’il est intervenu. A travers des créations autour du costume, mélangeant inspirations British, coupes classiques et coloris – motifs un brin excentriques et enfantin. Bien que la collection soit pour homme, les coupes des pièces, avec des pantalons évasés, ainsi que des accessoires tel des petits sacs à main et foulards, viennent rendre androgynes certains mannequins, initiant un doute et jouant sur les notions de genres présentes dans les consciences.
Cette collection souligne une amitié de longue date entre Harry Style et Alessandro Michele, nourrie d’une passion commune dévorante pour la mode.
Encore à ses débuts, la mode non genrée est à observer de prêt, en lien avec l’évolution des mentalités de notre société.