Animés et luxe : comment le marketing nostalgique séduit la mode asiatique ?
This publication is also available in: English (UK) Deutsch Italiano Español English (US)
Lorsque l’on parle de mode, nous ne pouvons pas dissocier le marché asiatique de celui du luxe. En effet, représentant une part majeure des dépenses luxe mondiales, les clients chinois, coréens et japonais ont démontré, au fil des années, leur appétence pour les maisons et marques de renommée. Une précieuse relation qui perdure, et qui challenge les marques à offrir des expériences clients encore plus haut de gamme. Mais aussi, à revoir leur stratégie pour s’adapter aux nouvelles générations, afin de leur proposer de la grande qualité, tout en émotion et authenticité. C’est ainsi que la conception et la communication autour des pièces des créateurs s’inscrivent dans le marketing nostalgique, enveloppant le luxe de douceur, et trouvant dans les animés une force pour inciter l’acheteur à dépenser. Décryptage d’une formule gagnante et réconfortante.
Pourquoi les marques de luxe ciblent le marché asiatique ?
Cela n’est plus un secret pour personne, les clients asiatiques ont un certain attrait pour la mode haut de gamme, et cela n’est pas près de s’arrêter. Une étude du cabinet Bain&Company projette la part des dépenses luxe mondiales de la Chine à 50 % pour l’horizon 2025. Et à 70 % pour la part globale des acheteurs asiatiques.
Nous comprenons tout naturellement l’intérêt des marques de luxe à prendre soin de leur présence sur le territoire asiatique. Notamment suite aux pandémies et réouvertures des frontières. Mais également, à donner de la visibilité aux créateurs asiatiques dans notre environnement, à l’image de la mise en lumière de Robert Wun lors de la dernière Fashion Week couture de Paris.
Le créateur, natif d’Hong Kong, qui a ainsi marqué ses débuts dans la capitale, s’inscrit dans une nouvelle approche du luxe. Une vision de l’ultra luxe, où les pièces sont conçues à la commande, afin de faire vivre à des clients privés une nouvelle expérience premium.
Cette volonté d’affiner encore plus les propositions et l’expérience client s’illustre également par le déploiement de l’application Tmall Luxury Pavilion. Regroupant plus de 200 marques haut de gamme, dont 80 luxes provenant des groupes LVMH et Kering, la plateforme, très sélective, a su lier luxe et digital pour s’inscrire dans une nouvelle ère de l’expérience acheteur, et pouvoir s’accorder à l’importance que porte le marché asiatique au digital. Les boutiques 3D viennent proposer une immersion à la hauteur des boutiques physiques, en plus des vitrines en ligne, permettant aux marques de présenter diverses gammes de pièces, afin de donner du choix aux clients, en plus d’événements privilégiés.
Avec cette nouvelle approche du luxe et de l’ultra luxe digitalisé, les marques peuvent cibler des acheteurs variés sur l’ensemble du territoire. Des ultra-riches aux acheteurs appartenant à une classe moins élevée. Parmi les profils ciblés, ceux des jeunes sont de plus en plus privilégiés, cela s’explique notamment par le fait qu’ils soient plus connectés, et sont ainsi plus à même d’être impactés par des campagnes digitales, à aller visiter des boutiques en ligne, et également, à être plus engagés dans la participation à des événements digitaux.
Pourquoi la génération Z est la nouvelle cible pour développer le marché du luxe en Asie ?
Lorsque l’on s’intéresse aux profils acheteurs, nous voyons que le digital permet d’acquérir des clients plus divers, entre profils fortunés et classes moins élevées, en offrant un accès facilité aux produits. C’est aussi une réelle force pour s’adresser à la génération Z, qui a plus que son importance dans les stratégies de vente actuelles des marques ultra luxe. En effet, en plus d’être très présente sur le digital, et ainsi facilement atteignable, la nouvelle génération a, tout autant que ses ainées, un réel attrait pour le luxe. Une étude est même venue souligner que 37 % des Chinois affirmaient s’être intéressés au luxe avant 18 ans. Cependant, ils avouent être plus regardants sur la qualité des pièces, afin qu’elles soient à la hauteur de leur coût.
Afin de pouvoir fidéliser cette audience, nous avons vu les marques affiner leur stratégie de communication, notamment en jouant avec les trends. C’est ainsi que nous avons vu de grandes maisons comme Dior, Valentino, ou encore Bulgari, s’entourer de figures de la pop-culture, comme les stars de groupes K-pop. Les invitants à des défilés, concevant leurs costumes de scène, ou encore en en faisant leur égérie, les marques se positionnent comme tendances et modernes en ayant une accroche directe vers ces nouveaux acheteurs qu’ils visent.
Comment les animés sont devenus la carte à jouer dans le marketing nostalgique ?
Après des enseignes bas de gamme comme Primark, c’est au tour du luxe, et même de l’ultra luxe de concevoir des collections autour de personnages d’animés, et d’autres références directes à notre enfance. Et cela n’est pas anodin. En effet, ces pièces reflètent, au-delà d’une vision créative, une stratégie bien précise et vertueuse : celle du marketing nostalgique (ou nostalgia marketing).
Cette stratégie, qui consiste à utiliser sur des vêtements, accessoires ou objets déco des références (visuelles, écrites…) d’éléments qui appartiennent à la pop culture passée, vient agir à plusieurs strates chez un client. Voir un clin d’œil à un élément appartenant à notre jeunesse vient tout de suite nous procurer de la nostalgie (d’où le nom). De cet état en découle un grand nombre d’émotions, entre un sentiment de bonheur, de douceur, de réconfort, d’optimisme. Il s’agit d’un moment suspendu, où le client remonte le temps et fait un lien entre son évolution actuelle et d’où il vient, en faisant remonter des souvenirs.
Dans un monde pas toujours rose, cette sensation est d’autant plus décuplée, et vient naturellement créer de l’engagement chez le client, mais aussi, l’émotion vient inciter à passer à l’action et à acheter la pièce.
Des études ont souligné l’impact réel qu’a ce type de pièces sur un client, et à quel point elles viennent influencer le moral et l’état psychologique de la personne, en ayant des répercussions à la fois envers lui-même, mais aussi envers les autres.
La génération Z asiatique, qui aime voir sa culture de représentée, est ainsi une cible très sensible à ce marketing et les ventes record des marques sur ce type de produit viennent le confirmer.
Quand pop culture et mode asiatique vont de pair
Ce mariage entre la représentation de la culture asiatique et la bulle réconfortante créée par le marketing nostalgique, a permis aux marques jouant sur cette tendance de se démarquer sur ce marché concurrentiel. C’est notamment par le biais des animés que nous avons vu des maisons et créateurs, inscrits dans le luxe, développer cette nouvelle vision, à travers des pièces et collections, recevant des accueils plus que chaleureux de la part des acheteurs.
Au-delà de l’objectif de vente, c’est désormais la volonté de créer un lien avec leurs clients sur un plan émotionnel et authentique qui prime. Car c’est précisément ce facteur émotionnel qui va les mener à l’achat. Les jeunes, étant regardant sur le produit, sont conquis de voir leur culture mise en avant dans des designs à l’esthétique soignée et branchée. Et trouvent une réelle plus-value à la pièce, qui leur fait remonter de nombreux souvenirs.
La conception des produits prend dorénavant en compte ce facteur émotion, et c’est ainsi que nous avons vu exploser le nombre de pièces en référence aux animés. Ces derniers appartiennent au patrimoine culturel asiatique, mais sont également connus à travers le monde entier. De plus, ils touchent de nombreuses générations, grâce à leur rayonnement. Ces pièces se distinguent en venant créer des événements dans le milieu de la mode.
À l’image de la collection capsule de Maje, sortie en 2022 et présentant des pièces mettant en avant l’univers de Pretty Gardian Sailor Moon, un des animés japonais les plus appréciés, dans un style kawai aux couleurs pop. Un animé qui a aussi su séduire, la même année, une autre marque plus streetwear, Vans.
La tendance s’est également illustrée chez d’autres créateurs et maisons comme Loewe, Gucci, Givenchy, Balenciaga, Moncler, Mulberry… Qui chacune à leur tour, sont venues lier mode luxe et animés, avec comme imprimés les personnages des films d’animation asiatiques.
Début 2022, Loewe avait notamment mis à l’honneur les œuvres du studio Ghibli, de Totoro au Voyage de Chihiro, dans sa collection Spirited Away, déclinant une gamme de prêt-à-porter, d’accessoires, et de pièces de décoration.
En cette période du Lunar New Year, qui se dessine comme l’année du lapin, les marques luxe y font écho, et mettent à l’honneur des animés comme Roger Rabbit chez Moncler ou encore Miffy chez Mulberry.
La maison de création française, Maje, revient aussi en ce début d’année, en proposant une collection pour célébrer le Lunar New Year 2023. Elle collabore une seconde fois pour ses visuels de campagne avec une illustratrice chinoise, Jiayi Li. Les créations de la jeune femme viennent même enrober les vitrines des boutiques.
Alors, succomberez-vous au marketing nostalgique en portant un t-shirt présentant votre animé favori ?