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Pharrell Williams nouveau DA de Louis Vuitton

Pourquoi le rôle du directeur artistique est repensé ?

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Alors que nous avons été habitués à associer une maison à la vision d’un directeur artistique, au parcours ancrée dans le milieu de la mode, les choses semblent commencer à se dessiner autrement depuis quelque temps. En effet, entre l’arrivée de profils appartenant à d’autres disciplines artistiques à la tête des maisons, et l’apparition d’une nouvelle approche de la création via la mise en place de studios créatifs, l’industrie de la mode vient challenger son modèle et sa créativité. Découverte d’une nouvelle vision de la haute couture.

Pourquoi le rôle du directeur artistique est questionné ?

Il y a quelques semaines, nous revenions sur l’exposition présentée au Palais Galliera, mettant en avant le Fashion Big Bang de 1997 et l’impact qu’il a eu sur le milieu. Une période clé, et qui semble se refléter dans les changements que nous voyons s’opérer ces derniers mois. Cependant, cette fois-ci, ce ne sont pas les pièces et leurs inspirations qui sont en pleine transition, mais le rôle même du directeur artistique.

Entre départ de grands noms à la tête des maisons, comme ce fut le cas avec Alessandro Michele chez Gucci, l’arrivée de nouveaux profils très prometteurs, comme Harris Reed chez Nina Ricci, la mise en place de nouvelles stratégies de marketing luxe pour accrocher les cibles et notamment la nouvelle génération Z… Le rôle du directeur artistique des maisons de couture vient être remis en question, afin de trouver de nouvelles structures reboostant la créativité des enseignes, et redonnant du dynamisme à leurs collections.

Comment le calendrier de création est repensé?

Depuis plusieurs années, nous avons assisté à des évolutions dans l’approche de la création des maisons de haute couture. Parmi les principaux changements qui ont été observés, le planning des collections et le rythme de production ont connu bien des évolutions.

Ces changements peuvent s’expliquer par deux raisons principales. La première, est celle d’accorder plus de temps à la production des collections, pour proposer des pièces abouties, tant dans leur vision que leur confection. La seconde raison, est celle de diminuer le rythme des collections, afin d’aborder la création avec une démarche plus éco-responsable, et de diminuer la sur-production et la sur-consommation, qui vient en écho.

Nous pouvons notamment observer cette nouvelle approche de la mode et de sa saisonnalité chez Jacquemus. Le créateur français, qui sublimait récemment les Galeries Lafayette avec les Obsessions Jacquemus, se démarque par le fait de penser des pièces en accord avec la saison en cours, et en présentant ainsi des pièces sur les défilés qui sont directement disponibles en boutique. Un procédé qui vient rompre avec le schéma habituel, où les défilés mettent en avant des collections qui ne sortiront que dans plusieurs mois.

De plus en plus, les créateurs refaçonnent leur agenda des Fashion Week, et ne s’y présentent plus forcément à chaque rendez-vous.

Pharrell Williams, nouveau directeur artistique de Louis Vuitton

Outre le planning de production qui est amené à changer, le profil du directeur artistique des marques vient aussi prendre du relief. Alors que pendant des années, nous avons assisté à l’arrivée à ce poste, si convoité, de couturiers ayant fait leurs preuves chez d’autres maisons, voire à la tête de leur propre marque, c’est désormais d’autres CV qui semblent être recherchés.

La maison Louis Vuitton illustre bien cette recherche de profils à la palette créative variée. Avec un travail salué, son dernier directeur artistique, Virgil Abloh, partageait les casquettes d’architecte, de styliste, de designer, de DJ, en plus d’avoir fondé sa propre marque, Off White. Suite à sa disparition, la maison Louis Vuitton s’est tournée vers un artiste tout aussi pluridisciplinaire pour reprendre le lead de la création de sa gamme homme en nommant Pharrell Williams directeur artistique.

Icône à travers le monde, l’artiste s’est principalement ancré dans le domaine de la musique et de l’art. Cependant, son attrait pour la mode l’a notamment amené à lancer sa propre marque de chaussures Billionnaire Boys Club and Ice Cream. Il a également collaboré avec des marques telles que Moncler, Adidas et Louis Vuitton.

Les deux premiers échanges créatifs avec la maison, en 2004 et 2008, avaient ainsi été les premiers pas vers ce nouveau chapitre qui est sur le point de s’écrire. Nous attendons avec hâte sa première collection, qui sera présentée à la fashion week homme parisienne, en juin prochain.

Un choix qui reflète l’A.D.N. de Louis Vuitton, qui se présente comme une maison culturelle, où prime l’innovation et l’entrepreneuriat. En faisant appel à des profils n’étant pas uniquement ancrés dans le milieu de la mode, les maisons choisissent de venir enrichir leurs pièces d’autres inspirations et univers créatifs. On a fort à parier que d’autres marques se mettent à suivre le pas.

Est-ce que les collectifs créatifs vont venir replacer le directeur artistique ?

Si certains repensent le profil du directeur artistique, d’autres remettent complètement en question le rôle en lui-même. Et, de ce questionnement, vient apparaître une nouvelle vision de la création sous forme de collectif. À savoir, au lieu d’avoir une maison dirigée par la vision d’une seule et même personne, certaines viennent associer plusieurs profils créatifs afin de donner vie à une collection.

Cette configuration peut déjà s’observer dans certains cas, notamment lors du relais suite au départ d’un directeur artistique. Lors de la phase de passation, c’est bien souvent différents profils créatifs internes à la maison qui viennent assembler leurs visions, pour créer des pièces en attendant qu’un nouveau D.A. soit bien en place.

Désormais, cette vision à plusieurs créateurs s’inscrit comme une nouvelle approche de la confection d’une collection, et vient remplacer la position habituelle du directeur artistique.

Quand Lacoste repense le rôle du directeur artistique avec un studio créatif

Ce nouveau modèle de création est spécifiquement celui dans lequel souhaite s’inscrire la marque française Lacoste. Avec une belle renommée et une présence dans plus de 98 pays, la marque au crocodile vit actuellement une phase transitoire dans son histoire. Après 4 ans de création sous l’œil de Louise Trotter, son ancienne D.A. partie en début d’année, la maison a souhaité redéfinir son approche de la conception de ses pièces mêlant fashion et sportwear.

Suite au départ de celle ayant construit une image forte et trendy à Lacoste, la marque avait partagé son envie de changer son axe de conception de la mode, et de commencer ce nouveau chapitre sur de nouvelles bases. Les premières mentions de studio créatif avaient ainsi été dévoilées, présentant la volonté de penser la marque via plusieurs visions se complétant, et non plus de la diriger uniquement par une vision.

C’est ainsi Pelagia Kolotouros qui vient succéder à Louise Trotter, en intégrant la maison au nouveau poste de Créative Design Director. Avec un beau parcours entre Adidas, North face et un début de carrière chez Calvin Klein, la designer se retrouve à la tête d’un nouveau studio créatif. Son rôle de directrice artistique prend ainsi un nouveau relief. Avec, d’une part, l’apport de sa vision à la marque. Et, d’une autre, elle va devoir leader le collectif de profils créatifs intervenant dans la conception des pièces.

Ce modèle de studio créatif vient nourrir toute la réflexion autour des nouvelles pièces et collections de la marque. Un souhait qui souligne la volonté de Lacoste d’unir les cultures et les communautés, comme le précisait son président, Thierry Guibert.

Ce modèle a été observé chez d’autres maisons, à l’image de Louis Vuitton ou Gucci, qui suite au départ de leur directeur artistique respectif, ont opté pour la création via des studios collaboratifs.

Aborder une vision de collectif pour diversifier l’offre d’une maison

Côté Gucci, c’est tout un nouveau concept qui est né de cet esprit de collectif créatif. Sous l’époque d’Alessandro Michele, la marque a déployé son Gucci Vault, une branche dédiée au vintage.

Avec d’une part, un service de remise en état de pièces vintages par des experts. Ainsi qu’une seconde partie dédiée à la création de pièces inédites, mises en vente uniquement sur le site de Gucci Vault, et fabriquées à partir d’anciens tissus de la maison par un collectif créatif regroupant plusieurs artistes et couturiers. Une manière de limiter les déchets, tout en challengeant la créativité.

Cette démarche permet également de mettre en lumière différents profils créatifs, et de leur offrir un endroit pour pouvoir exprimer leurs idées et les réaliser.

Ce modèle de production via un studio de création collectif est intéressant d’un point de vue du renouvellement des idées. Cela permet de donner du relief à une maison, et d’avoir une démarche artistique où chacun peut s’enrichir des autres pour élaborer et affiner sa propre vision. Cependant, il peut être compliqué de créer une symbiose parfaite entre toutes les pièces, pour avoir une harmonie et une A.D.N bien identifiables. C’est ici que le nouveau rôle de directeur artistique prend toute son importante, en venant cadrer les créateurs, leur laisser de la liberté, mais tout en créant une vision cohérente.

Le poste de directeur artistique connaît ainsi une nouvelle ère, et nous avons hâte de découvrir son évolution dans les prochaines années.

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