Pourquoi porter la fausse fourrure est-il un acte controversé ?
This publication is also available in: English (UK) Deutsch Italiano Español English (US)
Plus que jamais la fausse-fourrure est tendance.
Sur les podiums comme dans les enseignes de prêt-à-porter ou dans la rue, les manteaux rembourrés, les vestes à l’allure poilue et autres accessoires en fausses peaux animales sont partout. Au point qu’on ne se pose même plus la question de savoir ce qu’on met sur notre dos.
Porter la fausse fourrure nous donne acquis de conscience. Car en se parant d’une écharpe en toison synthétique, d’un manteau XXL duveté ou d’une veste avec un col en fourrure végan, on évite à l’industrie de la fourrure de progresser.
Alors si tuer des animaux pour se vêtir n’est plus un geste banalisé, que faut-il penser de l’alternative la plus en vogue du moment, l’imitation à la fourrure animale ?
Est-elle pour autant la solution miracle au marché de la peau animale ?
Réponse dans cet article.
Fourrure animale : évolution d’un textile controversé
À l’origine, quand porter un animal mort était une norme
D’aussi loin que les hommes savent chasser, la fourrure existe. Au temps de la préhistoire, les hommes récupéraient la fourrure de leur proie une fois chassée. Chaque partie de la bête était réutilisée à des fins de survie. Par exemple, la peau de l’animal servait à se protéger du froid. Elle avait donc une utilité.
Mais le monde a évolué, et la société est née. L’homme a perdu son rôle primitif pour se conformer aux normes sociétales. Et la fourrure n’a pas échappé à la mode et à ses règles. Au fil des siècles, elle devient un symbole de richesse et de pouvoir. Dans les années 70, elle gagne la sphère hollywoodienne pour incarner à qui veut bien la porter, élégance et exubérance.
Malgré les insurrections à son encontre, la fourrure ne cessera de convaincre les créateurs et leurs fidèles, car jusqu’en 2015, 70 % des labels de mode présentaient de la fourrure dans leur défilé.
Évolution des consciences et limites d’un marché
Au regard des conditions d’exploitation et du traitement des véritables fourrures animales, la conscience collective a évolué. Car si quelques années auparavant, porter un animal mort sur le dos était considéré comme un signe de richesse et une distinction sociale, aujourd’hui, c’est un geste cruel, voire répugnant.
Et ce changement de paradigme n’aurait pas pu avoir lieu sans l’implication et les actions coup de poing de l’organisme international PETA (People for Ethical treatment of Animals). En 1990, une campagne a particulièrement fait parler d’elle et fait bouger l’industrie. Sur la pub étaient affichés des super modèles de l’époque qui posaient nus avec un slogan marquant “I’d rather go naked than wear fur” (je préfère rester nu que de porter de la fourrure).
Parallèlement, la cruauté liée à l’exploitation et à la transformation animale pour obtenir un manteau en vison ou une écharpe en renard a poser des limites morales que les consommateurs ne pouvaient plus accepter.
Mais c’est en 2017, soit il y a à peine 5 ans que les choses changent. Cette année-là, Gucci prend la décision de ne plus utiliser de fourrure animale pour ses collections. Cette annonce aura un effet boule de neige, car d’autres maisons lui suivront le pas. Comme Arnaud Dubois d’Ecopel nous le confirme “ Pour moi, il y a un avant et un après Gucci, car l’effet anti-fourrure devient la norme.”
Tout cela a permis d’ouvrir la brèche sur la réalité de l’industrie de la fourrure, et de laisser la place à d’autres formes de textile faisant office d’alternatives à la peau animale dans la mode.
La fausse-fourrure pensée comme une alternative
L’engagement de la marque pionnière Stella Mc Cartney a contribué au boom des alternatives à la vraie fourrure animale. Car depuis le lancement de son label en 2001, elle a toujours suivi ses convictions et exclut l’utilisation de peaux exotiques, de plumes, de cuirs et de fourrures dans ses collections.
Le retrait progressif de l’industrie de la fourrure de la part des maisons de haute couture a aussi permis à la sphère mode de prendre un virage à 90°C, offrant une place de choix aux fourrures végan. Les labels les plus reconnus comme Gucci, Versace ou Prada ont petit à petit emboîté le pas à ceux qui avaient déjà pris position contre l’exploitation animale dans la mode.
On notera aussi que l’innovation technologique a permis à la fausse fourrure de prendre une nouvelle forme, plus moderne, mais aussi plus réaliste (presque trop), douce ou encore duveteuse. D’ailleurs, la fourrure végan n’a jamais été plus vraie que nature qu’aujourd’hui.
Finalement, la transition vers la fausse fourrure ne s’est pas faite en un jour. Bien au contraire, c’est un processus qui a pris du temps, et qui s’est traduit par un effet boule de neige dans la sphère mode, doublé d’une prise de conscience collective chez les consommateurs.
Porter la fausse fourrure : une remise une question écologique
Pour beaucoup, l’option fausse fourrure est le choix à prioriser quand on souhaite se vêtir d’un vêtement dont l’apparence se rapproche le plus de celle d’une vraie peau animale. Et c’est vrai, mais paraît-il que les pièces de mode en fibre synthétique ne sont pas non plus exemptes de tout reproche, surtout quand les arguments écologiques nous prouvent qu’on ferait mieux de ne pas en acheter.
Alors, la fausse-fourrure est-elle notre allié pour limiter l’avancée contre la véritable fourrure ?
Déjà, on peut commencer par dire que des pièces en fausse fourrure ne se trouvent pas que chez les grands créateurs éthiques. Eh oui, elles ne sont pas que des créations haut de gamme faites à partir de fibres labellisées et tracées ou de textiles végans. Des manteaux, vestes et autres accessoires en “fausse fourrure”, on en trouve aussi chez H&M, Primark ou Shein. Dans ce cas, on est dans un contexte de surproduction qui invite à la popularisation de la fast-fashion.
Ensuite, on peut s’intéresser à la composition même de la fausse fourrure. Ce qui compose en majorité la fourrure synthétique, c’est le polyester ou l’acrylique, qui sont des dérivés du pétrole. Et les ressources pour les produire sont particulièrement énergivores, contribuant de fait à la déforestation.
Et qui dit pétrole dit fibres plastiques, ce qui par effet en chaîne pose des problèmes de durabilité et de recyclage.
En bref, la fausse fourrure n’est pas écologiquement responsable. Elle s’apparente à un vêtement traditionnel que l’on produit en masse, et dont son impact a des conséquences sur l’environnement.
Mais, elle n’est pas ça.
Mais aussi une alternative éthique
Dans une interview réalisée par Modalova, Arnaud Dubois, responsable de la communication chez Ecopel, une société franco-chinoise qui produit de la fausse fourrure de luxe, nous explique que le choix de la fausse fourrure est avant tout éthique, pas écologique. “Si vous êtes une marque et que vous voulez faire de la fourrure, choisissez la fausse fourrure, c’est mieux de ne pas tuer d’animaux. Si vous voulez être 100 % écologique, faites plutôt du lin ou du chanvre, car les matières synthétiques ce n’est pas idéal. “
La fausse fourrure est polluante. Elle a un impact écologique. Mais, dans sa production, elle tente de résoudre un problème éthique de taille à savoir la diminution du nombre d’animaux élevés, séquestrés, dépecés, démembrés pour les simples besoins de l’industrie de la fourrure qui récupère la peau pour confectionner manteaux, vestes, écharpes, bonnets à pompons et autres accessoires.
Épargner la vie de millions d’animaux, c’est donc ça l’enjeu principal de l’alternative à la fourrure. Et avec le poids des ONG, de l’opinion publique et l’avancée de la recherche et du développement, les gros acteurs du secteur de la mode se tournent eux aussi vers le “no-fur”. À ce jour, ce n’est pas moins de 40 labels qui ont renoncé à la fourrure animale avec les derniers en date : Moncler et Dolce & Gabbana.
Conclusion : porter la fausse fourrure est-il un acte controversé ?
La fausse-fourrure n’est pas écologique, mais elle est éthique. Elle ne réunit pas tous les critères, mais elle a le mérite de sauver la vie de millions d’animaux.
Faut-il blâmer la fausse fourrure pour ça ?
Ça dépend où l’on met le curseur. Certains diront à quoi bon remplacer un produit par un autre qui va causer toujours plus de tort à la planète, quand d’autres diront que c’est déjà une alternative louable.
Mais en ayant fait des recherches pour cet article, il y a une phrase citée par une intervenante du groupe Kering qui a résonné “l’objectif n’est pas de contraindre, mais de convaincre”. Il est important de laisser aux consommateurs comme aux marques du choix pour que chacun puisse un pas après l’autre se réapproprier la fausse fourrure. Et le choix passe justement par la proposition de ces alternatives, qui, même si à l’heure d’aujourd’hui ne sont pas parfaites, ouvrent la voie à une nouvelle dynamique.
L’industrie de la fourrure est encore en transition. Les marques coexistent avec la pétrochimie pour avancer vers demain. Les innovations sont là, et la recherche et développement ne cesse de progresser en faveur de textiles toujours plus biosourcés, durables et organiques. Il ne reste plus qu’à convaincre les marques d’avancer en ce sens.
En est témoin Ecopel, qui nous confie travailler sur le développement de quatre fibres textiles plus vertueuses à savoir le Gatcha, les fibres recyclées, le Kanekaron ou une fibre 100 % végétale fabriquée à partir de maïs.
💡 Pour aller plus loin sur le sujet de la mode éthique :
Mode durable : comment la consommer ?
Marque de luxe éco responsables : 5 labels à connaître
Image en une : © Sandra Semburg